En 1947, Saul Leiter se procure un Leica et flâne dans les rues de New York, qu’il photographie dans un premier temps en noir et blanc. En 1948, il se tourne vers la couleur. Il alternera désormais entre les deux supports. En 1957, Edward Steichen, alors conservateur en chef de la photographie au MoMA, intègre une vingtaine de ses images couleur pour sa conférence «Experimental Photography in Color». Mais ses images tirées en couleur ne sont redécouvertes qu'à partir de la fin des années 1990.
Dans ses photographies, les tons colorés, à la fois vifs et déteints, associés à l’absence de contours stricts et au flou de certains éléments, rappellent la composition des tableaux de Bonnard ou Vuillard, qu’il admire. Saul Leiter saisit dans les rues new-yorkaises, vibrantes de vie et de couleurs, un entre-deux-mondes délicat à mille lieux de la jungle urbaine qui lui servait de sujet. C'est un monde flottant, embué, mis en abîme par les reflets et des imbrications multiples de surfaces en écran, qui métamorphose la réalité en un univers à la fois poétique, onirique et apaisant, sur lequel plane la douceur de la mélancolie. La couleur s'immisce dans le cadre, expressive et discrète, pour organiser toute la composition, comme cette touche picturale jaune faisant presque fondre la buée de la vitre et auréolant le passant fugitif.