Les photographies sans appareil de Laure Tiberghien, le plus souvent composées d'aplats colorés, de bandes et de lignes, rappellent la peinture expressionniste abstraite américaine. Mais c'est sans doute August Strindberg plus que tout autre, avec ses célestographies de la fin du XIXe siècle, tout comme les daguerréotypes, ramenant l'œuvre vers les prémices de la photographie. Laure Tiberghien insiste sur les gestes qui président à ses images : « ce qui donne cet aspect vaporeux à l'image », explique-t-elle, « c'est le fait que je sois toujours en train de bouger ». Elle souligne aussi l'incidence forte du type de support (sa brillance ou sa matité) et la part de hasard inhérente au processus. Ce qu'elle appelle les « fuites » de lumière par exemple, sont d'abord apparues par une malencontreuse ouverture de boîte de papiers photographiques, avant de devenir un principe de travail contrôlé. Les images génèrent des zones colorées plus ou moins intenses résultant d'une certaine durée : elles constituent alors des sortes de « couleurs-temps ».